Il y a quelques semaines, un article(1) est sorti et a fait la une des médias: “43% de risques de fractures osseuses en plus chez les véganes que chez les mangeurs de viande”.
Donc bien sûr, j’ai fait ce que je fais toujours dans ce genre de situation: investiguer les fondements de cette surprenante nouvelle.
Il se trouve que pour une fois, l’article vient d’une source très réputée, les chercheurs ont utilisé les données de la célèbre EPIC-Oxford Study (2). Comme je cherche toujours à donner les meilleurs conseils en nutrition possible, et non à mettre les gens en danger en fermant les yeux sur des informations potentiellement cruciales comme celle-là, j’ai passé des heures à lire et participer à des Journal Clubs et autres décorticages scientifiques de cette étude.
S’il y a un risque de santé à long terme à manger 100% végétal, il est important de le savoir et d’y remédier.
Ce qui en ressort, en simple, est que non, les véganes ne sont pas à risque plus élevé de fractures, pour autant qu’ils consomment au moins 525mg de calcium par jour. Ceci est facile à obtenir avec une alimentation végétale complète (non transformée).
Mais alors, comment sont-ils arrivés à cette conclusion?
Pour aller plus loin dans le détail, cette étude a plusieurs défauts notoires de statistiques et de récolte de données.
Aussi, ces données datent de 1993 à 2001. A cette époque, le fait de ne pas consommer de produits animaux se basait uniquement sur des considérations éthiques sans attention particulière à la santé.
L’alimentation des sujets véganes était loin d’être optimale, ils.elles ne prenaient pour la plupart pas de compléments alimentaires (même pas de B12). Ils.elles obtenaient en moyenne 26.8g de fibres par jour, ce qui indique des personnes qui mangent relativement peu d’aliments non-transformés, de fruits et de légumes.
Un autre point important est que les véganes sont en moyenne beaucoup plus minces que les mangeurs de viande. Avoir un IMC (indice de masse corporelle) au-dessus de 22.5 est un facteur important et reconnu pour la solidité des os. En effet, plus il y a de poids à transporter sur le squelette, plus les os doivent être forts pour le supporter.
Mais ceci est un facteur à double tranchant: le surpoids rend nos os plus solides, par contre il nous met à risque pour toutes les autres maladies métaboliques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers, etc. Et ces maladies sont les causes principales de mortalité en occident.
Mauvais modèle statistique:
Pour revenir aux chiffres de l’étude en question, les chercheurs ont bien pris en compte la majorité des facteurs confondants comme le calcium, l’IMC (indice de masse corporelle), le sexe, l’activité physique, la fumée, l’éducation, le statut hormonal, mais par contre, rien sur la vitamine D (qui est quand même un facteur majeur connu pour le métabolisme osseux).
Le problème statistique de la méthode utilisée de stratification, est qu’on ne met pas le doigt sur les groupements à risque. La stratification est une méthode qui fait une moyenne des données présentes.
Par exemple, on pourrait trouver la température moyenne qu’il fait à Zürich sur toute l’année, mais ça ne vous donne aucune indication de la température que vous y trouverez en y allant en décembre ou en juillet…
Lorsque l’on parle d’IMC dans ce cas, 23.2% des véganes sont en dessous de 22.5 contre seulement 8% des mangeurs de viande, un nombre nettement plus important. Et pour tous ceux en dessous de 18.5, il n’y avait plus de stratification. Ils ont d’ailleurs fait la même chose avec la consommation de calcium. Au-dessous de 525 mg par jour, tout le monde était dans le même panier.
Ceci met en évidence des défauts qui ne permettent pas d’avoir de réponse claire sur ce qui pourrait mettre certains groupes à risque pour des fractures pathologiques.
Ce qu’il faut savoir:
Nous avons à notre disposition un bon nombre d’études qui nous montrent que les populations majoritairement plant-based ne connaissent pas de problème particulier d’ostéoporose (3, 4, 5, 6, 7), bien au contraire.
Il y a à mon sens 2 messages à retenir:
- Il faut absolument prêter attention à sa consommation de calcium, de zinc et ses taux vitamine D, et avoir une activité physique “en charge” (qui met du poids sur les os). Pas besoin de complément de calcium ou zinc, du moment où l’on incorpore des céréales et légumineuses complètes à l’alimentation quotidienne ainsi que des légumes, fruits, graines et noix car ils sont aussi riches en sels minéraux. Concernant la vitamine D, un complément peut être nécessaire (pour toute la population, pas seulement les véganes) pendant les mois d’hiver où le soleil ne brille pas assez pour permettre la production de cette vitamine. L’alimentation n’est pas une source fiable de vitamine D.
- Il ne faut pas oublier que cette même étude dont sont tirés les chiffres cités plus hauts est la même qui nous montre que, même avec une alimentation loin d’être optimale:
- les véganes ont un risque diminué d’hypertension de près de 50% (8),
- qu’ils ont un taux de cholestérol bien plus bas que les mangeurs de viande (9),
- qu’ils ont 25-30% moins de maladies cardiovasculaires (10),
- 19% de risques de cancer en moins (11), ainsi qu’une réduction de 30-40% de diabète (12) comparé aux groupes omnivores.
Ces risques de maladies là font partie des causes majeures de mortalité en Europe, ce qui n’est pas le cas des fractures osseuses.
Je pense qu’il est important de bien décortiquer la science pour obtenir des réponses sur ce qui est le meilleur style de vie pour tout un chacun.
Nous avons encore une fois la preuve qu’une alimentation majoritairement végétale ou même 100% végétale bien conçue (comme devraient l’être toutes les formes d’alimentation) n’est non-seulement pas dangereuse mais probablement bénéfique à la santé comparé à une alimentation carnée.
A votre santé,
Dre Laurence Froidevaux
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33222682/
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http://www.epic-oxford.org
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https://academic.oup.com/ajcn/article/90/4/910/4597033
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21811293/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24103482/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32618637/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17299475/
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https://www.cambridge.org/core/journals/public-health-nutrition/article/hypertension-and-blood-pressure-among-meat-eaters-fish-eaters-vegetarians-and-vegans-in-epicoxford/678E54EF633FD623EF778BE1BA743C6A
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24346473/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23364007/
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https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24898235/
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https://www.nature.com/articles/s41387-019-0074-0